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A.D
Ce professeur à la Sorbonne décrit sur Europe 1 un monde où curiosité et soif d'apprendre sont nécessaires pour s'adapter à la révolution numérique. Pour lui, les compétences vont prendre le pas sur les statuts.
INTERVIEW

La transformation numérique touche nombre de professions, laissant parfois les salariés démunis face à une avancée aussi rapide. Certains redoutent aussi des changements qui pourraient affecter profondément leur métier. Olivier Bas, vice-président de Havas Paris et professeur à la Sorbonne, était l'invité de l'émission C'est arrivé demain. Il publiera jeudi l'essai #Like ton job ! et a expliqué sur Europe 1 comment bien vivre la transformation digitale qui s'annonce. 

Un changement d'état d'esprit. "La transformation numérique n'est pas une révolution technologique", pose d'entrée Olivier Bas. "C'est une révolution culturelle et comportementale qui a amené des évolutions sociétales assez profondes." Et le professeur de citer : l'économie du partage, la mobilité, se connecter en permanence avec le monde, la fin des intermédiaires inutiles. "Tout cet environnement bouleverse l'écosystème des entreprises qui sont obligées de s'adapter à marche forcée et c'est ce que vivent les salariés", explique l'universitaire. L'adaptation ne veut pas simplement dire savoir utiliser les outils, comme tablettes ou applis, mais changer sa culture. Par exemple, le fait de ne plus avoir son bureau mais de le partager avec quiconque, est un "détail qui perturbe profondément".

Entendu sur europe1 :
La troupe que je gère, le territoire sur lequel j'ai des prérogatives, mon budget et la taille de mon bureau : c'est terminé, c'est l'ancien monde

Au-delà de ce mouvement de flexibilité générale, surplombe la peur de voir tout bonnement son métier disparaître. "Toutes les études montrent qu'à peu près 50% des métiers vont se transformer ou auront disparu dans quelques années." Face à ce constat extrême, bien vivre la situation paraît difficile. "On a un vrai sujet qui est la curiosité, la soif d'apprendre et de développer de nouvelles compétences", avance Olivier Bas. Il va donc falloir s'adapter.

Le pouvoir d'agir. Reste un fossé de générations entre les "vieux X" et les Y, nés dans le bain d'internet. Et sur ce plan, les nouvelles générations ont d'ores et déjà les clés. "Les vieux X sont sur une logique du devoir. Les Y sont sur une logique du plaisir et de l'utilité. Les X ont un rapport au pouvoir très statutaire : la troupe que je gère, le territoire sur lequel j'ai des prérogatives, mon budget et la taille de mon bureau. C'est terminé, c'est l'ancien monde. Pour les Y, ce qui est important, c'est le pouvoir d'agir. Ils n’obéissent plus à l'autorité institutionnelle ou statutaire, par contre, ils écoutent les autorités de compétence. Ils ne veulent pas qu'on les forme mais qu'on leur donne les conditions de se former eux-mêmes. J'ai une profonde confiance dans cette génération", conclut le professeur. 

Conseils pratiques pour ne pas se faire dévorer par le numérique

De manière pratique, Olivier Bas donne quelques conseils pour monter dans le train du numérique sans avoir l'impression de faire un effort colossal.

- Regrouper les tâches par nature : "Le numérique, c'est du grignotage. On passe notre temps d'une tâche à l'autre : lire des mails, aller en réunion, surfer sur internet...Je conseille de regrouper les tâches par nature", c'est à dire, de commencer quelque chose, de le terminer puis de passer à autre chose.

- Remettre de l'humain dans les situations : "Le mail est devenu une machine à embrouilles. Pour se protéger, les gens envoient des mails à tout le monde. Pour tenir à distance son voisin de bureau, on communique par mail. Alors qu'en fait, il nous faudrait sortir de nos bureaux et se parler à nouveau."

- Ne pas envoyer et ne pas prendre en considération les mails d'après 22h : "On parle beaucoup des fake news, il y a pire : la 'flipe news', c'est le mail que vous recevez à 22h qui vous donne une injonction ou vous rappelle quelque chose." Il y a certes la loi sur la déconnexion digitale "mais la technologie ne fait qu'exacerber les comportements existants. Quelqu’un qui envoie un mail après 22h devrait être puni pour crime contre l’intimité."