Il lance une pétition pour allonger le congé paternité : "Onze jours, c’est trop court !"

© ERIC FEFERBERG / AFP
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Élise Racque , modifié à
Touché par la BD d’une blogueuse sur la "charge mentale" des femmes, un trentenaire interpelle le président Macron dans une pétition pour allonger le congé paternité. Le texte a recueilli 12.000 signatures.
INTERVIEW

Vous l’avez sans doute croisée, car l'expression abonde depuis quelques semaines dans les médias et sur les réseaux sociaux : la charge mentale. Le terme désigne la pression qui pèse sur les femmes au quotidien, qui doivent assumer la plupart des tâches ménagères, l'investissement masculin se résumant souvent à une aide prodiguée sur demande uniquement.

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C'est la blogueuse Emma qui a mis la question sur le devant de la scène, avec sa bande dessinée intitulée "Fallait demander". Touché par son travail, et se sentant concerné par les inégalités hommes-femmes au quotidien un trentenaire n’a pas hésité longtemps pour réagir de manière concrète. Sous le pseudo Naro Sinaprad, il a lancé il y a trois semaines une pétition sur Change.org pour allonger la durée du congé paternité français : de onze jours actuellement, il veut le voir passer à quatre semaines entières.

Adressée au Président Macron, à la secrétaire d’État chargée de l’égalité des femmes et des hommes, à la ministre des Solidarités et de la Santé et à la ministre du Travail, la pétition a déjà recueillie 12.000 soutiens. Europe1.fr a rencontré celui qui au départ, n’espérait "que 2.000 signatures".

D’où est partie cette idée de pétition ?

J’ai eu cette idée en lisant la BD de la blogueuse Emma, que je suis depuis longtemps. Cette BD déplore entre autres que les hommes ne militent pas plus pour l’allongement du congé paternité.

J’ai moi-même depuis longtemps une sensibilité féministe. Je trouve ça normal que les hommes et les femmes soient égaux dans la société comme dans les tâches ménagères. Je ne suis pas papa moi-même, mais je vois bien dans mon entourage qu’il est compliqué d’allier travail et vie de famille.

Agir sur internet, ça permet de sortir de sa bulle, de ne plus militer uniquement dans son coin. J’ai donc fait des recherches en ligne. Il n’y avait rien sur le sujet ; la seule pétition que j’ai trouvée concernait le congé maternité. J’ai donc lancé cette pétition aidé par des amis, puis je l’ai envoyée à Emma. Et elle l’a tout de suite relayée sur les réseaux sociaux.

Allonger le congé paternité, c’est une revendication féministe ?

Oui clairement. Pour moi le féminisme, c’est chercher à tendre vers l’égalité hommes-femmes. Le fossé se réduit, mais on n’y est pas encore. Les femmes ont le plus souvent les tâches ménagères à leur charge.

Même dans les couples où c’est plutôt bien réparti, la naissance d’un enfant est souvent un moment de bascule. Onze jours, c’est trop court pour que le père prenne pleinement conscience de son investissement auprès de l’enfant. La mère elle, qui reste longtemps seule avec le bébé, se met inconsciemment à prendre en charge toutes les tâches liées à l’enfant.

Dans les pays comme le Canada ou l’Islande, où le congé paternité est plus long, [Ndlr : cinq semaines au Canada, trois mois en Islande + trois mois à partager avec la mère], on observe un investissement plus important des pères dans les tâches liées à l’éducation. Passer plus de temps dès la naissance avec le nouveau-né les aide à s’investir par la suite.

L’allongement du congé paternité n’est pas une solution miracle pour alléger la charge mentale des femmes. Mais si on ne donne pas la possibilité aux pères de prendre l’habitude de s’investir, je vois difficilement comment ça peut se faire.

Qui signe votre pétition ? Plutôt des hommes ou des femmes ?

Ce qui me surprend, et me déçoit un peu, c’est que ce sont surtout des femmes. En comptant les commentaires sur la pétition, on voit que trois quarts sont écrits par des femmes. Un quart seulement par des hommes. Sur les réseaux sociaux, c’est sensiblement pareil avec une proportion 70-30%.

C’est un peu comme avec la charge mentale. Tant qu’on ne se sent pas directement concerné, on ne réagit pas. C’est la victime directe qui s’exprime, et relaie l’information. On observait d’ailleurs le même déséquilibre sur les posts d’Emma.

Pourtant, les hommes sont concernés au premier plan. Je veux leur dire que s’impliquer dans son foyer, ça fait partie des choses importantes de la vie. Et si la loi pouvait leur donner un coup de pouce, ce serait tant mieux.